Sonntag, 19. Januar 2014

Sur l'Amour - par le père Joseph l'Hésychaste de la Sainte Montagne

Puisque nous avons déjà écrit plusieurs choses diverses, mon fils, étant mû par ton ardente foi et piété, j’ai jugé bon de t’écrire encore un peu des choses sur l’amour, que j’ai apprises d’anciens saints Pères et des Ecritures. Mais étant donné la hauteur de ce charisme surnaturel, je suis déjà vaincu par la peur de ne pouvoir compléter le discours. D’un autre côté, réchauffé par l’espoir de tes saintes prières, je viens au sujet.

Car, comment est-ce que je peux, mon fils, m’appuyant sur mes propres forces, écrire sur ce grand charisme qui transcende ma capacité ? Et dans quels mots raconterai-je cette supra-céleste jouissance et nourriture des saints anges, prophètes, apôtres, justes, martyrs, saints moines et tout le catalogue des saints dont les noms sont inscrits aux cieux ?
En vérité, mon fils, même si je parlais toutes les langues des hommes issus d’Adam qui contiennent tous les mots et toutes les images, il me paraît encore impossible que je puisse adéquatement célébrer l’Amour. Que dis-je adéquatement ? Aucune langue des mortels ne réussirait à exprimer quelque chose sur l’amour si Dieu, qui est Vérité et Amour, ne nous dispensait la vérité, la sagesse et la connaissance des mots dans lesquels, au moyen du langage, notre Dieu et doux Jésus-Christ, se nomme et se célèbre. Car l’Amour n’est pas autre chose que notre Sauveur et Père, avec le Divin Esprit et le doux Jésus.
Tous les autres charismes, quand la grâce divine les active, produisent en nous une divine sensation, c’est-à-dire l’humilité, la douceur, l’abstinence et le reste. Mais sans l’activité de la grâce divine, les charismes, en général, ne sont que des vertus que nous gardons parce que le Seigneur nous l’a commandé pour la guérison de nos passions. Avant de recevoir la grâce, nous sommes sujets à de continuelles vicissitudes : nous passons de l’humilité à la présomption, de la tempérance à la gloutonnerie, de la douceur à la colère, de la longanimité à l’irascibilité et le reste.

Mais quand nous sommes mus par la grâce, ces altérations et transformations intérieures de notre être cessent. Le corps subit ses élémentaires et naturels changements provenant du froid, de la chaleur, de la lourdeur, de la peine, de la souffrance, de la soif et de la maladie, alors que l’âme, nourrie par l’activité de la grâce, demeure [dans son essence] immuable par les charismes naturels divins qui lui sont offerts. […]
Quand elle arrive à la sensation divine de l’Amour, qui est Dieu, car selon l’apôtre " Dieu est Amour et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui ", quelle langue mortelle, dis-moi, privée d’énergie divine, peut discourir sur Dieu et ses divins charismes ? Alors que beaucoup aujourd’hui sont vertueux, plaisent à Dieu et font le bien à leur prochain, ils pensent, et d’autres le croient, qu’ils sont arrivés à l’Amour parce qu’ils montrent des œuvres de miséricorde et de compassion envers autrui.
La vérité est tout autre. Ces derniers, en fait, mettent en pratique le commandement du Seigneur " aimez-vous les uns les autres ". Celui qui garde ce commandement est, en effet, digne d’éloges car il est le gardien des lois divines. Mais telle n’est pas l’opération de l’Amour divin. Car la garde des commandements est le chemin qui mène à la source, mais elle n’est pas la source. Ce sont les degrés de l’escalier vers le palais, mais ce n’est pas la porte du palais. C’est l’habit royal, mais par le Roi. C’est le commandement de Dieu, mais ce n’est pas Dieu.
Par conséquent, celui qui tient à parler de l’Amour doit bien goûter par la sensation le mystère de l’Amour pour qu’il puisse – si la source de l’Amour, le doux Jésus le lui permet – communiquer le fruit qu’il a obtenu pour édifier son prochain. Nous courons un grand danger si nous ne savons pas de quoi nous parlons et si nous pensons savoir ce que nous ignorons et connaître ce que nous ne connaissons pas.
Apprends avec précision mon fils bien-aimé, qu’autre chose est le commandement de l’amour qui se réalise par les œuvres dont le but est la fraternité des uns envers les autres, et qu’autre chose encore est l’action de l’Amour. Tout homme est en mesure d’accomplir le premier s’il le veut et s’efforce de le réaliser, mais pas le second. Car il ne résulte ni de nos œuvres, ni de notre volonté de le vouloir à tel moment et de telle manière. C’est au doux Jésus, source de l’Amour, de nous l’accorder, s’il le veut, de la manière qu’Il le veut et quand Il le veut.

Lorsque nous vivons dans la simplicité et gardons les commandements en demandant avec larmes et patience [l’Amour], et persévérant dans cette invocation dans la douleur ; et, en même temps, surveillant les troupeaux de Jéthro, comme Moïse, c’est-à-dire les mouvements de l’esprit et les bonnes pensées dans la chaleur du jour et le froid de la nuit, dans les luttes et les tentations. Les vainquant par la force et l’humilité, nous sommes jugés dignes de contempler Dieu et de voir le buisson ardent sous le feu de l’Amour qui brûle dans nos cœurs sans se consumer. En s’en approchant par la prière du cœur nous entendons dans le mystère de la connaissance spirituelle la voix divine dire " enlève les souliers de tes pieds ", c’est-à-dire affranchis-toi de ta propre volonté et de tout souci de ce siècle, de toute pensée simple, soumets-toi au Saint-Esprit et à sa divine volonté parce que le sol où tu te tiens est saint.
Quand l’esprit de l’homme s’affranchit de tous ses liens, il inflige des blessures au " Pharaon ", c’est-à-dire il accède à la direction et au discernement des divins charismes et sort victorieux des démons. Ensuite, il reçoit les divins commandements non pas sur des tablettes de pierre, à l’instar de Moïse, qui périssent et se brisent, mais sur celles qui sont taillées par le Saint-Esprit dans nos cœurs vivants. Ce ne sont pas seulement les dix commandements qu’il reçoit, mais toute la nature et la connaissance que son esprit est capable de contenir. Ensuite, il pénètre à l’intérieur du voile.
Et il devient comme une colonne de feu quand l’Amour en forme de nuée d;vine incandescente vient en lui ; il ne peut plus se retenir et la divine opération de l’Amour appelle en criant vers la source de l’Amour, à travers des lèvres humaines
« Qui peut me séparer de ton doux Amour, Jésus ? ». Et par surcroît, sentant la brise souffler dans son corps ou en dehors de son corps, au milieu de sa cellule ou en dehors, Dieu le sait – il ne connaît que ce qu’il perçoit. Il se voit devenir une colonne de feu, uni au feu ; des larmes d’amour coulent et il dit, comme frappé d’admiration : « Fais cesser les eaux de ta grâce, ô ! doux Amour, les articulations de mes membres se fondent ! » ; en disant ces mots, l’air parfumé et inénarrable de l’Esprit se lève, les sens cessent de fonctionner sous son emprise. […]

Bienheureuse est l’heure, mon fils, quand nous remettrons au Seigneur- si nous en sommes dignes – notre âme purifiée qui se réjouira avec toute l’assemblée céleste, là où règne Jésus-Christ, le doux Sauveur, sur toute chose et en toute chose, avec Dieu le Père et l’Esprit aimé, saint, bon, pacificateur, donateur et principe de vie, Trinité Sainte et Indivisible, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Dernière partie d’une longue lettre
que le père Joseph (1898-1959) envoya
à un ermite de la Sainte Montagne.
Contacts, Vol. 50, No. 182, 1998.

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