Archimandrite Gabriel |
«Être orthodoxe en Occident», y « vivre » pleinement sa foi apostolique, est chose ardue car «l’esprit» de la culture occidentale environnante est séduisant par son caractère – apparemment – libéral, voire permissif. Son sécularisme notamment est une tentation continuelle parce qu’il a l’air, avec sa distinction entre «essentiel» et «secondaire», de rendre toute chose beaucoup plus facile. Que l’on pense seulement au jeûne. On peut aujourd’hui jeûner pour n’importe quelle raison : pour des motifs thérapeutiques ou esthétiques, parce que l’on est végétarien ou macrobiotique, ou pour n’importe quelle autre raison idéologique profane – mais point pour des motifs religieux, parce que ce serait du «fanatisme».
«Vivre sa foi orthodoxe en Occident » représente donc un défi : d’abord pour soi-même, parce que l’on est sollicité de connaître beaucoup mieux cette foi que cela n’était nécessaire dans le pays d’origine où bien des choses allaient de soi. Un défi silencieux ensuite pour les concitoyens qui sont habitués à vivre dans un milieu sécularisé où la foi ne joue plus aucun rôle ou seulement sous la forme de «convictions» anodines. Mais un défi salutaire aussi pour les autres chrétiens qui se rendent bien compte d’être désormais une minorité marginalisée et à peine tolérée, mais qui ne comprennent souvent pas les raisons de cette évolution et voient encore moins une voie d’issue.
Ce n’est pas faire du « prosélytisme » que de les prendre par la main et de leur dire : « Regardez comme est belle et salutaire la Tradition apostolique que nous avions jadis en commun! »C’est simplement un acte de charité chrétienne. Ce n’est pas du prosélytisme non plus que de dire : Regardez cette Tradition apostolique est toujours vivante et elle produit toujours des saints qui ne le cèdent en rien aux saints de l’Église indivise, et de leur faire connaître les Vies et les écrits des grands saints, confesseurs et martyrs de notre époque, d’ailleurs déjà très répandus.
La sollicitude avec laquelle les orthodoxes vont à la découverte de «l’Orthodoxie occidentale», l’avidité avec laquelle les chrétiens de l’Occident lisent la littérature orthodoxe, aidera donc les uns et les autres à prendre conscience de la vraie universalité de la foi. Car, rappelons-le, les Églises orthodoxes ne sont point simplement des «Églises orientales», comme on a l’habitude de le dire en Occident, donc des Églises un peu «exotiques» que l’on pourrait cantonner dans l’Orient géographique.
Ce service authentiquement «œcuménique» du chrétien orthodoxe présuppose l’humble maintien de la Tradition apostolique, écrite ou non écrite, sans concessions à l’esprit du temps. Comme l’avait dit jadis un des Pères: Tous ne savent pas pourquoi nous faisons telle ou telle chose, mais tous doivent le faire – et j’ajouterais: il y a toujours temps d’apprendre pourquoi nous faisons telles ou telle chose! Car, comme l’a dit si bien saint Photius, «l’abolition des petites choses transmises par la Tradition conduit au mépris complet des dogmes». S’il fallait une preuve de la vérité de cette affirmation, c’est le sécularisme qui afflige les chrétiens d’Occident qui nous la donne. Que Dieu nous en préserve !
+ Gabriel (Bunge)
Archimandrite du grand habit
(Genève-Chambésy, 17 mai 2012 , Conférence du Père Gabriel BUNGE)
Keine Kommentare:
Kommentar veröffentlichen